Éruption du 9 avril 2021

Éruption du 9 avril 2021

Vendredi 9 avril

PREMIÈRE éruption de l’année 2021 !

 

Le 9 avril, depuis Petite Ile!…

 

 

« Tous les feux sont au vert ! » cette phrase résume à elle seule la situation courant mars, toutes les conditions sont réunies pour qu’une éruption se produise à très brève échéance à proximité du cratère Dolomieu…mais voilà, les neuf mois qui ont séparé l’éruption du mois d’avril de celle de décembre 2020 ont été émaillés par de très nombreuses crises sismiques (parfois spectaculaires) mais qui n’ont pas pour autant débouché sur une éruption…

Nous sommes donc des spectateurs attentifs toujours aux aguets, mais il ne faut pas bruler les étapes. Les indicateurs sont parlants, la sismicité a beaucoup augmenté depuis le 13 mars, et les chiffres de ces derniers jours confirment la tendance :

  • 56 séismes le 24 mars
  • 79 séismes le 25 mars
  • 95 séismes le 26 mars (dont un séisme qui a duré plus de 18 s !)

Un gonflement du sommet confirme une montée de magma importante, et la présence de SO2 annonce une montée de ce magma sous le Dolomieu.




FERMETURE…PUIS RÉOUVERTURE DE L’ENCLOS !

 

Cette mesure prise par la Préfecture est consécutive à de nombreux éboulements dans le cratère du Dolomieu, suite à un séisme plus important. La situation se dégradant, il serait effectivement incompréhensible de laisser les touristes se promener à proximité du volcan, qui montre très nettement des signes avant-coureurs d’une éruption possible à très brève échéance.

Mais le 31 mars… nous apprenons par la Préfecture, que l’enclos est rouvert dès 12h. C’est un peu une surprise car dans la nuit, un séisme important a été localisé à 24 km sous le niveau de la mer, à une distance d’1 km à l’est de la Plaine des Cafres. Sa magnitude a été mesurée à 2.3 sur l’échelle de Richter. (Source : observatoire de volcanologie)

La sismicité étant en nette baisse depuis 3 jours, la décision a été prise ce matin de rouvrir l’enclos…

 

Vendredi 9 avril : ça se précise !

 

L’observatoire volcanologique du Piton de la Fournaise (OVPF) enregistre depuis 15h00 une nouvelle crise sismique. Cette crise est accompagnée de déformation rapide indiquant que le magma est en train de quitter le réservoir magmatique et se propage vers la surface.

Finalement, l’éruption débute dès 19h, suite à une crise sismique ininterrompue.

 

 

 








La fissure éruptive est située en aval du cratère Château Fort sur le flanc sud du volcan à l’intérieur de l’Enclos. Elle est visible depuis le Piton de Bert, à environ 1h30 de marche depuis le parking Foc-Foc.

 

 

D’après l’observatoire de volcanologie, l’intensité du trémor volcanique (indicateur de l’intensité de l’éruption) faiblit rapidement dès la première soirée, c’est assez classique.

Suite à un survol du site éruptif en matinée, la fissure éruptive a pu être localisée avec précision, à 700 m au sud-ouest du cratère Château Fort. L’activité se concentre sur deux bouches éruptives principales, les fontaines de lave n’excédant pas la trentaine de mètres de hauteur.

 

 

Le lendemain matin, la coulée a déjà parcouru environ 1,6 km vers l’est et le front de coulée, constitué de lave aa, se propage très lentement.  Hélas, la météo est très changeante, beaucoup de nuages et de pluie ; et en plus, nous sommes toujours confinés de 18h à 5h…

Trois jours plus tard, les relevés des scientifiques de l’observatoire sont les suivants : L’éruption se poursuit avec une certaine stabilité (et même une hausse entre le 13 et le 15 avril) le trémor qui avait rapidement baissé s’est régulé et ne montre pas de signes de faiblesse. 93 séismes ont été enregistrés la veille sous les cratères du sommet, ils sont accompagnés par une déformation du terrain (gonflement lié à la poussée du magma) qui atteint 40 cm au niveau du cratère Château-Fort.

La coulée a beaucoup progressé puisqu’elle a parcouru environ 3,2 km, elle va atteindre le cassé des grandes pentes (40% d’inclinaison !) et devrait désormais descendre encore plus rapidement ce terrain très pentu… Les débits de lave mesurés fluctuent entre 10 et 25 m3.

La semaine suivante, L’éruption localisée à proximité du cratère Château-Fort se concentre sur une seule fissure, avec deux…puis trois cônes éruptifs, mais ces cônes semblent se relier entre eux, et la sortie de la lave semble obstruée par un « bouchon » qui empêche une plus grande progression du front de coulée.  Celui-ci a parcouru 4 km pour surplomber les grandes pentes très inclinées, mais la lave s’est plutôt répandue sur cette fin d’aplat et un régime de tunnels de lave s’est ramifié à ce même endroit. Résultat des courses : le front de coulée est figé depuis quelques jours au sommet des grandes pentes, et il le restera de nombreuses semaines !

La météo a été médiocre, voire très mauvaise la plus grande partie de la semaine. Elle ne s’annonce pas meilleure dans les jours à venir, la Réunion connait un de ses pires mois d’avril en termes de pluviométrie depuis les années 1970 !

DEUX MORTS AU VOLCAN !

 

 

Bien triste journée que ce jeudi 22 avril où l’on a retrouvé les cadavres de deux jeunes étudiants de l’université du Tampon à proximité de l’éruption en cours. Les commentaires sont nombreux, tous bien tristes, que ce magnifique spectacle soit gâché par la disparition de ces deux jeunes gens, passionnés par les Sciences de la Terre. Ce spectacle hors norme attire évidemment les amateurs de sensations fortes, et l’on comprend aisément cette envie de voir un aussi beau spectacle de plus près. Depuis 1998 nous avons vu de très nombreuses éruptions, toutes différentes et souvent très spectaculaires ; autrefois, les gens les regardaient avec beaucoup plus de facilité, on pouvait très facilement s’approcher des rivières de lave et cela ne posait pas de problème. Aujourd’hui les amateurs et les passionnés sont sur les réseaux sociaux en permanence, on voit de plus en plus de monde descendre dans l’enclos dès le premier jour et braver les interdits pour voir et filmer les éruptions de très près ; c’est tentant.

 

Aller au Pas de Bellecombe en voiture, marcher pas loin de deux heures dans l’enclos sur un terrain fatiguant à 2400 mètres d’altitude, parfois de nuit avec un très mauvais temps, tout ceci n’est pas anodin ; la haute montagne ne fait pas de cadeau, cette nuit, il y a eu plus de 500 impacts de foudre au volcan… Loin de nous l’envie de faire de la morale, nous ne faisons que constater. Et nous mettons souvent en garde les internautes qui nous contactent et souhaitent parfois se lancer dans des projets trop audacieux, voire dangereux. La Fournaise est fascinante, on en oublierait presque le danger…

Nous le disons régulièrement sur notre site : restons humbles, la Fournaise peut nous surprendre à chaque instant. Il convient de rester sur ses gardes.

 

 

Les semaines qui suivront seront vite résumées : dans un premier temps, l’éruption stable n’est plus guère visible, car installée dans les grandes pentes, on ne la voit plus depuis le Piton de Bert mais davantage au lointain depuis la RN2. Les deux cônes éruptifs ne projettent plus de fontaine, la lave se déplace sous des tunnels, on ne voit donc que des rougeoiements.

Le front de coulée descend très lentement les grandes pentes pour se fixer à une altitude avoisinant les 1400 mètres, et atteindra les 1100 m début mai. Dès lors, l’activité baisse régulièrement, un seul cône éruptif reste vraiment actif, mais le mauvais temps (parfois exécrable) perdure jusqu’au 7 mai, date à laquelle nous aurons le plaisir de survoler l’éruption en ULM avec notre partenaire planetair974 !

Survol de l’éruption en ULM avec notre partenaire Planetair974

Courant mai, l’activité ne cesse de décroitre ; le beau temps est enfin revenu, mais les gaz importants produits par l’éruption et l’absence de vent pendant quelques jours provoquent une situation dangereuse avec une grande toxicité potentielle. L’observatoire de volcanologie met en garde la population, cette pollution est bien visible à l’œil nu…

 

Photo OVPF-IPGP

 

Malgré un léger regain d’activité le 20 mai, le traitement des données satellitaires montre que les contours de coulée n’ont que très peu évolué entre le 7 et le 16 Mai, confirmant la baisse d’activité et une activité se focalisant principalement en tunnels de lave (l’activité en tunnel de lave favorise l’épaississement du champ de lave existant plutôt que sa propagation).

Le 23 mai, les caméras confirment les données collectées :

  • l’activité au niveau des deux cônes se poursuit avec principalement du dégazage visible
  • l’écoulement de la lave à la sortie des bouches éruptives se fait essentiellement en tunnels et ce jusqu’à la limite supérieure des grandes pentes, où des résurgences de lave sont parfois visibles en surface
  • en plus du dégazage au niveau des cônes, un vaste champ de fumerolles s’est mis en place sur le champ de lave, du fait des fortes précipitations des derniers jours sur site

 

24 MAI : CLAP DE FIN !

 

Le 24 mai à 2h, l’éruption se termine, alors que les gas-pistons (explosions sonores de bulles de gaz) ont été entendus depuis la veille.

Au final, cette éruption qui semblait bien modeste, a quand même duré un mois et demi. On retiendra ce triste évènement que fut la disparition des deux jeunes étudiants aujourd’hui encore non élucidée.

La météorologie très mauvaise et le confinement longtemps limité à 18h n’auront pas permis de profiter pleinement de ce beau spectacle. Les conditions n’étaient pas réunies pour que le public apprécie la première éruption de l’année 2021 : pas de visibilité la nuit, éruption longtemps cantonnée vers les grandes pentes, activité en surface peu spectaculaire (peu de fontaines, puis un champ en tunnels de lave).

 

Un grand merci aux photographes qui nous ont aimablement confié leurs clichés: Serge Leplège, Philippe Iglicki, Volkaventure, Philippe Seychelles, Vincent Cheville, Franck Grondin (Frog), Olivier Lucas-Leclin; en espérant n’avoir oublié personne…





 

Le cône volcanique de l’éruption du 9 avril au 24 mai 2021,
baptisé « Piton Guy Valcourt PICARD »

 

L’Observatoire Volcanologique du Piton de la Fournaise, le Parc National de La Réunion et la Cité du Volcan, sont heureux de vous annoncer le nom de baptême du nouveau cône volcanique, résultant de l’éruption du 9 avril au 24 mai 2021.

En effet, la nomination des cônes volcaniques se faisant de manière collégiale entre l’Observatoire Volcanologique du Piton de la Fournaise, le Parc National de La Réunion et la Cité du Volcan, le nom de Guy Valcourt PICARD a été retenu. Ce nouveau cône sera donc connu sous l’appellation de Piton Guy Valcourt PICARD.

 

Qui était Guy Valcourt PICARD ?

 

Guy Valcourt PICARD était un ancien guide et porteur du Volcan. Il nous a quitté à l’âge de 85 ans, un peu avant le début de cette éruption. Il était le fils d’Alfred PICARD, guide emblématique du Volcan qui marqua son époque dans les années 50/60 et qui forgea l’esprit des derniers anciens guides et porteurs du Volcan dont faisait partie Guy Valcourt PICARD.

Il connaissait le Volcan « comme sa poche » et il fut initié à la géologie par les érudits qu’étaient Marcel Ducrot, Maurice Jean, Haroun Tazieff, Maurice et Katia Krafft, qu’il accompagna sur le Piton de la Fournaise.

 

Retour en images sur cette première éruption de l’année 2021 …

Plan pour vous situer dans la région du volcan

 

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Luc Souvet

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