2 AVRIL 2007 : UNE ÉRUPTION HISTORIQUE
Photo Serge GELABERT
Cette troisième éruption de l’année se déclare le 2 avril au matin vers 10 heures dans l’enclos, côté Saint-Philippe. Les autorités ont redouté un moment que les laves ne sortent de l’enclos, mais finalement, une très grande fissure (orientée nord-ouest – Sud-est) longue d’un peu moins d’ 1 km avec des projections qui atteignent 50 mètres de haut apparait sur le rempart du Tremblet.
Les laves s’écoulent par deux bras, et elles semblent approcher rapidement de la nationale 2. A midi, elles se trouvent déjà à moins de deux kilomètres. Du coup, les autorités décident d’interdire la circulation sur cette portion de la nationale 2. Les automobilistes venant de Saint-Philippe ne peuvent pas dépasser le rond point du Tremblet, alors que côté Sainte-Rose la circulation est stoppée au niveau des Symbioses pour oiseaux.
Tout va alors très vite :
15h 30 : Les coulées de laves franchissent la RN2. Le tremor volcanique se stabilise, une activité sismique (moins intense qu’avant 10h00) continue d’être observée sous la zone sommitale du Piton de la Fournaise.
21h25: le bras sud de la coulée atteint l’océan indien !
3 avril
Après une baisse significative en fin de nuit, le tremor éruptif retrouve un niveau équivalent à celui observé le 2 avril après-midi. Quatorze collégiens de Saint Joseph sont hospitalisés (incommodés par des émanations de dioxyde de soufre qui seront d’ailleurs visibles jusqu’à la ville du Port…), mais leur état n’inspire aucune inquiétude. Des cheveux de Pélé – fines aiguilles de verre de lave étirée – sont retrouvés dans les hauts de Petite-Île.
Depuis la mi-matinée la sismicité sous le sommet s’intensifie. Plusieurs séismes de magnitude supérieure à 2 sont enregistrés. Ces séismes sont localisés sous le sommet du Piton de la Fournaise. Ils sont similaires à ceux enregistrés juste avant l’ouverture de la fissure au pied du Rempart du Tremblet. Ils s’accompagnent d’une augmentation de l’amplitude du trémor éruptif. Ces séismes sont probablement les signes précurseurs d’un effondrement dans la zone sommitale…
Par ailleurs, une nouvelle ouverture à plus basse altitude reste possible. L’observatoire installe une nouvelle station sismique dans la région du Tremblet afin de surveiller encore plus activement cette zone.
5 avril
Le tremor est en hausse régulière. Son niveau a doublé au cours des 12 dernières heures. Ceci se traduit par un débit de lave plus important et des fontaines plus hautes au point d’émission de lave.
L’activité sismique sommitale continue à augmenter. Plus de 1000 séismes ont été enregistrés au cours des 24 dernières heures. Cette activité sismique est entièrement localisée à l’aplomb du sommet du Piton de la Fournaise à une profondeur située entre 0 et 500m d’altitude.
Aucune activité sismique n’est enregistrée, ni à proximité du lieu de l’éruption ni à plus basse altitude dans les zones habitées (Pointe du Tremblet à Pointe de la Table). Quelques fumées supectes sont néanmoins repérées dans le Rempart du Tremblet à plus basse altitude que l’éruption en cours.
6 avril
Le trémor éruptif a significativement augmenté, il est accompagné d’une intensification des coulées de lave. Le débit doit être supérieur à 100 m3 par seconde, avec une lave très liquide et rapide dans le chenal principal, mais de nombreuses autres coulées de type aa (gratons) sont actives sur une très large surface. Les projections sur le site de l’éruption montent au moins à 100 m de hauteur. La route nationale est coupée sur environ un km de longueur.
Un fort dégazage est observé au niveau du site de l’éruption. L’arrivée de la coulée dans la mer est accompagnée par des explosions et une fragmentation de la lave et de la roche. Les débris sont transportés par le panache et retombent dans les environs sous forme de fines particules, mais des dépôts de « sable » . Ces dépôts ont partiellement « brûlé » le végétation. De fins dépôts ont été observés à la Plaine des Cafres.Sous le Piton de la Fournaise, une forte sismicité est toujours enregistrée.
Effondrements en cours dans le cratère Dolomieu
Un survol de l’hélicoptère de la gendarmerie en fin d’après-midi permet de constater l’existence d’un effondrement de cinquante à cent mètres à l’intérieur du cratère, des laves encore rougeoyantes des précédentes éruptions sont visibles
Fausse alerte au village du Tremblet, évacué vers 15h: des fontaines de laves de près de 150 m de haut, à proximité du rempart de l’Enclos ont fait croire à certains qu’il s’agissait d’une éruption hors-Enclos dans les hauts du Tremblet, bien que l’Observatoire volcanologique ne détecte aucune sismicité au Tremblet. Une évacuation a été décidée vers 15h par la préfecture. En moins d’une heure, tous les habitants quittent leur habitation dans le calme vers les trois centres d’hébergement prévus ou vers leur famille à St-Philippe. Une reconnaissance aérienne par l’hélicoptère de la gendarmerie permet de confirmer l’absence de coulée hors-enclos.
Dans la soirée, les habitants peuvent revenir à leur domicile, sauf ceux situés entre le rempart du Tremblet et le rond-point de Citrons Galets. Interdiction d’accès aux coulées côté St-Philippe pour le public côté Sainte-Rose, l’accès à proximité des coulées est toujours possible.
7 avril
Photo Alex GENET
Une diminution du trémor éruptif est observée, il atteint désormais un tier de sa valeur maximale. Cette baisse du trémor est confirmée sur le terrain par une diminution de la hauteur des fontaines de lave qui atteignent désormais 40 à 50m de haut.
L’effondrement reste confiné dans le cratère Dolomieu sur un diamètre d’environ 600m. Son volume a pu être estimé à 20 – 25 millions de m3 grâce aux photos prises par la section aérienne de gendarmerie. Une forte sismicité localisée sous les cratères sommitaux se poursuit avec des séismes de magnitude > à 3 ressentis par les personnes du gîte du Pas de Bellecombe. Des panaches résultant d’explosions phréato-magmatiques continues d’être observées toutes les 15 minutes, laissant supposer que l’effondrement se poursuit et s’agrandit. Les panaches restent pour l’instant limités à la zone de l’enclos avec des retombées de cendre sur les flancs du sommet.
Observations suite à un survol du Dolomieu avec les FASOI
Le Dolomieu s’est effondré pratiquement sur toute la surface, c’est-à-dire sur une surface de 1000 x 700 m et une profondeur estimée pour l’instant à environ 300 m. Aucune lave n’est plus visible au fond du cratère. Le volume peut être estimé à environ 50×10^6 m^3. Les forts séismes sous le sommet engendrent des éboulements locaux des parois, qui forment des panaches noirâtres, parfois assez intenses. D’autres effondrements de plus grandes ampleurs peuvent encore se produire dans les jours à venir, vu les séismes sous le sommet.
Des cheveux de Pelé en grande quantité sont observés jusqu’à Bras Panon et probablement sur toute la partie est de l’île
8 avril
Le trémor éruptif est au même niveau qu’au début de l’éruption. Des fontaines de laves d’une hauteur de 50 à 100 m sont visibles, selon l’activité. Aucune coulée de lave n’a été vue, possiblement en raison de coulées en tunnel. La coulée de lave de type aa a coupé la route sur 1250 m de largeur. Côté Tremblet la coulée a une épaisseur de l’ordre de 10 m.
La sismicité sous le sommet a diminué, des éboulements de la paroi interne ont encore lieu. Le sommet est couvert d’une couche de cendre et poussière de plusieurs cm d’épaisseur. Côté nord des projections de blocs de l’ordre de 10 à 30 cm de diamètre ont été observées.
10 avril
En un quart d’heure vers midi, baisse et fin du trémor, fin de l’éruption ? … les éboulements des parois de l’intérieur du cratère Dolomieu se poursuivent.
11 avril
En soirée, des membres du PC de St Philippe observent deux coulées de lave, une première longeant le rempart, une deuxième au milieu des coulées en place, arrivant jusqu’à la mer.
Pour l’instant ces « sauts d’humeur » du volcan semblent se dérouler sans violence et ne nécessitent pas de mesures particulières pour les habitants du Tremblet, néanmoins la vigilance reste de mise. Des séismes sous le sommet sont encore enregistrés, des éboulements se produisent toujours à l’intérieur du Dolomieu et provoquent des panaches de fumées.
12 avril
Après un petit arrêt de 8 heures et des apparitions régulières toutes les 2 à 3 heures, le trémor éruptif est à nouveau stable. Des coulées très liquides allant jusqu’à la mer sont visibles dans le Grand Brûlé. Lors d’un survol avec les FAZOI, très peu de fontaines de laves sont actives au niveau du cône, signe d’un écoulement facile du magma.
De gros séismes se produisent encore sous le sommet, ainsi que des éboulements à l’intérieur du Dolomieu. Les bords du cratère restent instables et toute approche du Dolomieu reste dangereuse et est à éviter.
Après plusieurs séismes importants, un séisme de magnitude d’environ 3.5 s’est produit vers 15h05 (heure locale), formant un panache des poussière de plusieurs centaines de mètres de hauteur au-dessus le Piton de la Fournaise.
A 15 h 05 : Des volutes grises très chargées en particules s’élèvent vers le ciel. Le cratère Dolomieu s’effondre pour la seconde fois et menace désormais d’emporter le cratère Bory avec lui… C’est évènement est photographié par la webcam de l’observatoire.
13 AVRIL
Suite au séisme, le débit de l’éruption dans le Grand Brûlé (à 500 m altitude) a lentement augmenté avec des fontaines de lave couvrant toute la partie Est du cône par des projections et formant plusieurs larges coulées de lave allant jusqu’à la mer.
Une forte sismicité est encore observée sous le Dolomieu (mais de moindre intensité) en raison d’éboulements et d’effondrements de moindre importance sous le Dolomieu. Aucune sismicité n’est observée sous ou à proximité du village du Tremblet.
Interprétation des événements :
La sismicité se produit en profondeur sous le Dolomieu, déstabilisant le « piston » entre la chambre magmatique et le sommet, aboutissant à un effondrement en profondeur, qui se répercute jusque la surface. Ceci augmente la pression sur la chambre magmatique et intensifie le débit de magma vers l’éruption.
14 avril
Légère remontée du trémor, la sismicité sous le cratère Dolomieu est pratiquement continue. De belles projections de lave sont visibles depuis St-Philippe, les coulées sont très liquides.
Des anciens élèves de l’Ecole militaire préparatoire du Tampon (EMPR) font une distribution de bonbonnes d’eau potable aux habitants du Tremblet.
15 avril
Dans l’Enclos, baisse de la hauteur des fontaines de lave. Dégazage constaté dans le cratère Dolomieu.
16 avril
Une nouvelle coulée le long du Tremblet est à nouveau visible (incendies dans la végétation). Cratère Apparition de gas pistons, bouffées de gaz, qui pourraient signifier la proximité d’une éruption de magma au fond du cratère Dolomieu. La station de l’Observatoire volcanologique implantée près de la Soufrière n’envoie plus d’informations
17 avril
La Soufrière est coupée en deux, ouverte sur le Cratère Dolomieu ! Une station de l’Observatoire volcanologique est tombée avec l’éboulement. Des séismes profonds sont enregistrés, cela pourrait indiquer une possible réalimentation des chambres magmatiques supérieures…
18 avril
Baisse du trémor, toujours des séismes sous le Dolomieu, dont les parois continuent de s’effondrer.
19 avril
Aucune activité visible dans le Grand Brûlé.
20 avril
Nouvelles coulées, liquides ou en gratons, visibles dans le Grand Brûlé, le trémor est faible.
Du 20 au 28 avril
On observe de manière irrégulière des coulées de lave très fluide accompagnées par une sismicité soutenue sous le sommet du volcan. Ces séismes liés à des éboulements dans le Dolomieu sont liés à la réalimentation de la chambre magmatique.
Les habitants du Tremblet subissent toujours les forts désagréments d’une éruption qui n’en finit plus: dioxyde de soufre, pluies acides, cendres et gaz… ce petit village qui a déjà beaucoup souffert ne voit toujours pas “la sortie du tunnel”. L’isolement vécu au fil des semaines est bien difficile à supporter.
Les incendies à répétition de la végétation aux abords du rempart du Tremblet exigent une présence permanente des pompiers; les plate-forme aménagées par la Préfecture ne sont pas encore ouvertes au public car les désagréments et les risques sont encore trop importants.
Dimanche 29 avril
Ces photos prises dimanche matin illustrent bien l’activité visible depuis quelques jours. Les coulées de lave ont été très abondantes vendredi et samedi, la sismicité sous le sommet reste assez forte. Les routes avoisinantes sont recouvertes de cendre et de sable volcanique, le gaz et le dioxyde de soufre ambiants sont pénibles voire dangeureux pour les personnes d’astreinte… Vous pouvez vous rendre compte de l’état de la végétation du Tremblet : tout est sec et sans vie…
Palmiers brûlés par les pluies acides
CARTE DE L’ERUPTION
L’ÉRUPTION AU JOUR LE JOUR
Merci à tous nos amis photographes pour leur partage !