Lundi 18 février 2019
LA FOURNAISE SE RÉVEILLE…POUR LA SAINT VALENTIN!
Photo Christophe de Charette
L’observatoire de volcanologie de la Plaine des Cafres nous transmet quotidiennement certaines informations, et l’on constate depuis quelques semaines, une reprise de la sismicité et un gonflement de la base et du sommet de la Fournaise. Depuis fin2018, les scientifiques s’attendent à une nouvelle éruption…
« Cette reprise de l’inflation de l’édifice est synonyme d’une pressurisation du réservoir magmatique superficiel. Cette reprise de l’inflation est accompagnée d’une augmentation des concentrations en CO2 dans le sol en champ lointain (secteurs Plaine des Cafres et Plaine des Palmistes) depuis fin janvier. Les concentrations en CO2 dans le sol en champ proche dans le secteur du gîte du volcan sont également en augmentation depuis décembre 2018. Ces concentrations en CO2 sont en accord avec une remontée profonde de magma vers le réservoir superficiel » explique Aline Peltier, la Directrice de l’observatoire.
Depuis le 1er février 2019, 19 séismes superficiels ont été enregistrés sous le sommet, et 3 séismes profonds sous le flanc. Ce processus peut durer quelques jours ou plusieurs semaines, avant que le toit du réservoir ne se fragilise et ne se rompe, donnant ainsi lieu à une injection de magma vers la surface, et même éventuellement… à une éruption!
Samedi 16 février à 15h21 heure locale, une crise sismique est enregistrée. Cette crise est accompagnée de déformation rapide, ce qui indique que le magma est en train de quitter le réservoir magmatique et se propage vers la surface à trés grande vitesse… ce n’est plus qu’une question de temps.
lundi 18 février à 10h: Le volcan est en éruption!
(Photos de François Martel-Asselin)
Suite à la crise sismique de ce samedi 16 février, l’éruption a débuté à 9h48 heure locale. Deux fissures sont localisées au sommet du Dolomieu, juste au dessus des grandes pentes, 30 mètres en contrebas de la table d’observation; la lave, visible de Bois Blanc à Sainte Rose (sur la RN2) descend ce relief très incliné (30%) en direction de la route des laves.
Localisation de l’éruption
Depuis la route des laves, au niveau des anciennes coulées et depuis le quartier de Bois blanc ou l’Anse des cascades vers Sainte-rose.
LUNDI 18 FÉVRIER A 22H…FIN DE L’ÉRUPTION?
Soudainement, l’Observatoire n’enregistre plus aucun signe d’activité, dans ces conditions, le préfet de La Réunion décide le passage en phase de sauvegarde du plan ORSEC à compter de 03h30 le mardi 19 février 2019.
Le lendemain, mardi 19, à 15h, l’observatoire enregistre une nouvelle crise sismique! Cette crise n’est pas accompagnée de déformation rapide mais témoigne d’une fragilisation du milieu pouvant être associée à une injection de magma vers la surface. Cette activité est centrée sur la zone où s’est produite la précédente éruption.
Quelques minutes plus tard, la Fournaise est à nouveau en éruption!
Photo Luc Souvet, prise le 24 février de Bois Blanc
La situation est alors la suivante:
– La reprise de l’activité éruptive se poursuit après une séquence de plus d’une heure de dégazage. Après une baisse de son intensité, le trémor éruptif est relativement stable depuis 6h heure ce matin.
– Suite à une reconnaissance aérienne réalisée par une équipe de l’OVPF, le nouveau site éruptif a pu être localisé avec précision à 1800m d’altitude au pied du Piton Madoré.
– Une seule fissure éruptive s’est ouverte, et à 6h20 ce mardi matin, une seule fontaine est active. Le front de coulée se situe désormais à 1300m d’altitude. Actuellement seule cette fissure éruptive est active.
– Les débits de lave restent faibles (3 à 7 m3/s) – les coulées continuent leur progression de manière discontinue (avec des périodes d’arrêt – stagnation du front de coulée – et des périodes de progression plus rapides) , le front de coulée principal a franchi le cassé des Grandes Pentes . Par contre, la coulée s’élargit avec deux bras visibles ce jeudi 22 février au matin, l’un au nord et l’autre au sud du piton Guanyin.
TRAVERSERA, OU TRAVERSERA PAS?!…
LA question que tout le monde se pose, est bien évidemment de savoir si la lave ira jusqu’à l’océan et franchira la RN2; pour le moment, cela reste de la science fiction: la coulée stagne et avance très peu, elle reste bien visible à environ 4 kms de la RN2, mais ne bouge pas beaucoup (le front de coulée s’élargit mais ne descend presque plus). Si nous comparons les chiffres à ceux de l’éruption de 1986, la vitesse de la lave était, à l’époque, 100 fois plus rapide!! (100 à 300m/heure en 1986; 2,5m/h en 2019!)
Dés lors, la situation se stabilise avec un trémor d’une intensité en augmentation très régulière du 24 février au 11 mars; cette augmentation se traduit sur le terrain par un regain d’activité très visible, les débits de lave estimés progressent et atteignent même des valeurs avoisinant les 50 m3/s le 8 mars. « De nouvelles fissures apparaissent le 5 mars sur le flanc nord-ouest du piton Madoré (en amont de la bouche active depuis le 19 février) reste active. Un petit cône de projections haut d’une dizaine de mètres s’est édifié et deux coulées de faible débit restent actives coté ouest (extension de quelques dizaines de mètres) et coté Nord. La coulée principale est celle qui s’épanche coté nord et progresse vers l’est (direction de la pente). La fissure qui s’est ouverte hier 7 mars en fin de matinée se situe à 300 m au sud de l’évent actif depuis le 19 février et est orientée dans la direction ouest-est. Elle était ce matin très active avec 2 fontaines de laves d’une cinquantaine de mètres de haut. » (communiqué de l’OVPF du 8 mars à 16h30).
Indicateur du trémor volcanique entre le 18 février et le 9 mars (© ovpf)
Nous abordons une phase importante de cette éruption: l’activité croit rapidement jusqu’au dimanche 10 mars où l’on bat des records, les fontaines de lave dépassent les 100 mètres de hauteur, les coulées de lave descendent plus rapidement les grandes pentes et se trouvent désormais à 2,5 km de la RN2, elles ont parcouru 1km en 24h! ; le spectacle est grandiose, le ciel chargé de nuages est comme enflammé par la Fournaise (Photos et vidéo de Pascal Dorr prises le samedi 10 mars à 4h,)
DIMANCHE 10 MARS à 6H28: FIN DE L’ÉRUPTION!
Qui aurait pu croire une chose pareille? nous étions à Bois Blanc 24h auparavant, et le spectacle était dantesque. Comment imaginer que cette éruption puisse s’achever aussi vite alors que dans la nuit, les coulées et fontaines de lave n’avaient jamais été aussi nourries. Comme si quelqu’un avait fermé le robinet, les fontaines ont chuté en quelques minutes; les observateurs présents n’en croyaient pas leurs yeux, et pourtant…
PERSPECTIVES
La directrice de l’OVPF, Aline Peltier, envisage la suite de la manière suivante: « un trémor éruptif résiduel est toujours enregistré, ainsi aucune hypothèse n’est écartée quant à l’évolution de la situation à venir (arrêt définitif, reprise de l’activité sur le même site, reprise de l’activité sur un autre site) ».
Depuis la fin de cette éruption, dimanche 10 mars, la sismicité analysée par les appareils de l’observatoire de volcanologie est assez régulière (nombre de séismes volcano-tectoniques sur 24h):
- Dimanche 10 mars: 3
- Lundi 11: 8
- Mardi 12: 5
- Mercredi 13: 3
- Jeudi 14: 7
- Vendredi 15: 9
- Samedi 16: 9
(Durée variable de 6 à 15s, magnitude jusqu’à 1,48)
La concentration de CO2 à proximité (gite du volcan) est en baisse, mais en augmentation vers la Plaine des Cafres. En clair, le magma est en train de remonter depuis une source profonde.
Pour Aline Peltier, il n’y aura pas une reprise d’activité immédiate, mais plutôt une nouvelle éruption dans les semaines ou mois à venir…
JEUDI 28 MARS : BAPTÊME DES DERNIERS CÔNES !
En effet, avec les dernières ouvertures de fissures en fin d’éruption, ce sont deux cônes de belles tailles qui se sont formés à environ 1800 m d’altitude et qui méritent un nom.
La nomination des cônes volcaniques se faisant de manière collégiale entre l’Observatoire Volcanologique du Piton de la Fournaise, le Parc National de La Réunion et la Cité du Volcan, les noms suivants ont été retenu :
- Pour celui à la base du Piton Madoré (Henri Madoré : chanteur de rue de La Réunion) pour faire le pendant, le nom de « Lo Rwa Kaf » (chanteur et conteur réunionnais, interprète reconnu du Maloya) a été retenu, ce nouveau cône sera donc connu sous l’appellation de Piton Lo Rwa Kaf.
- Pour le deuxième cône situé un peu plus au Sud, le nom de « Anne Mousse » (première femme née à La Réunion, le 14 avril 1668. Surnommée la « vraie grand-mère de tous les Réunionnais ») a été retenu, ce nouveau cône sera donc connu sous l’appellation de Piton Anne Mousse, la fissure s’étant ouverte la veille de la journée de la femme.
Les plus belles photos de la première éruption de 2019 :
Un grand merci à tous nos amis photographes pour leur partage
Jérôme Balleydier, TP, Brieuc Coessens, 974.photographie réunion, Hervé Serralia, Daniel Payet , Géraldine Royer et à notre partenaire clicanoo
Photo non libres de droits !
Plan pour vous situer dans la région du volcan